Rétablissons la diversité florale et plantons des arbres !
Interview d’Yves Darricau, agronome, apiculteur, « planteur d’arbres »
Agronome, essayiste, Yves Darricau est aussi, et surtout, un apiculteur et un planteur d’arbres ! Face au délitement de la biodiversité, il invite à engager une transition paysagère qui offre des solutions écologiques utiles pour affronter l’impact du changement climatique.
La biodiversité s’effondre… Quels sont les signaux d’alerte les plus alarmants ?
Notre biodiversité est en souffrance depuis longtemps parce que nos mauvaises pratiques paysagères ont mis à mal la diversité végétale. L’appauvrissement des ressources a provoqué une chute drastique des populations d’insectes qui ébranle la pyramide du vivant.
L’évolution du climat est un facteur de déstabilisation colossal pour le végétal. Alors que nous ne sommes qu’au début du changement climatique, la situation est déjà problématique. L’avancement et la raréfaction des floraisons sont particulièrement alarmants, car il y a des trous dans la raquette alimentaire ! Je veux dire par là que le calendrier et la durée des floraisons sont bousculés et que cela réduit les ressources de pollen disponibles pour les insectes, maillon clef du vivant. Avec le réchauffement observé (+ 1,2 °C), l’avancement des floraisons est d’environ un mois et il est corrélé avec une diminution de 15 % de ressources florales alimentaires (nectar et pollen). À flore inchangée, on imagine facilement que ce sera pire avec les + 3 °C attendus à la fin du siècle.
C’est d’autant plus grave que le réchauffement réduit le temps d’hivernage des insectes. On voit désormais des abeilles dehors à Noël, ce qui signifie qu’elles dépensent de l’énergie et qu’elles puisent dans le stock de miel de la ruche, faute de trouver à manger dans la nature.
La situation est-elle la même partout ?
Non, elle varie en fonction des régions et des environnements. Les villes et les forêts, qui sont observées et gérées par des structures compétentes, sont sans doute moins impactées que la campagne. Cela ne veut pas dire que les espaces forestiers soient épargnés. Certaines espèces ne sont plus adaptées à leur zone de vie et dépérissent. Et si la faune peut se déplacer, c’est beaucoup plus compliqué pour le végétal évidemment. Le hêtre par exemple risque de disparaître, et plutôt vite. Les peuplements de basse altitude subissent déjà des pertes de 2 % par an. On prédit que l’olivier et le chêne vert remontent vers le nord de la France d’ici la fin du siècle si, bien sûr, on les aide à migrer.
Quelles solutions préconisez-vous ?
Pour relever les défis climatiques et paysagers, il est urgent de rétablir nos ressources florales et de planter des arbres. Mais il faut le faire intelligemment, en s’appuyant sur les scientifiques et les écologues pour mettre en place une palette végétale adaptée avec des plantes capables de supporter un climat plus chaud, plus sec, et plus aléatoire. On ne peut plus se contenter des espèces locales, il faut que nous allions nous inspirer dans d’autres régions du monde pour sélectionner des plantes qui résistent à la sécheresse et qui offrent un grand potentiel pollinifère tout au long de l’année. Les floraisons, leurs pollens, doivent être notre fil conducteur pour adapter nos paysages au futur climat. N’oublions pas que le pollen est vital : c’est un concentré alimentaire remarquable et c’est l’élément clef de la reproduction !
Il faut aussi repenser nos pratiques à l’échelle individuelle et collective. Fichons un peu la paix au végétal : arrêtons par exemple de tondre les jardins pour semer des prairies fleuries, cessons de nettoyer tous les fossés qui longent nos routes, laissons le lierre grimper, car il est plein d’atouts pour le vivant… Et bien sûr, plantons des arbres !
A lire : Des arbres pour le futur – Mémento du planteur pour 2050, Yves Darricau, Éditions du Rouerge, 2022.