Moi, la Forêt : exposition photos de Franck Vogel

Le scolyte, ce minuscule insecte qui ravage les forêts de résineux

Plus petit qu’un hanneton, cet insecte volant de la famille des coléoptères prolifère dans les forêts où il entraîne le dépérissement des résineux et plus spécifiquement des épicéas. Si la région Grand Est a été la première touchée par l’épidémie de scolytes en 2018, la moitié nord de la France est aujourd’hui gagnée par cette crise sanitaire de grande ampleur. Qui est donc ce serial killer ? Qu’est-il possible de faire pour enrayer sa funeste propagation ?

Un ravageur au modus operandi bien rôdé

« Pour être tout à fait précis, il faudrait parler du scolyte typographe Ips typographus, précise Benjamin Calmont, spécialiste des coléoptères saproxyliques. Bien qu’il ne fasse que deux millimètres, il détruit nos forêts d’épicéas et il peut aussi coloniser d’autres résineux. »
Au printemps, le scolyte mâle est chargé de préparer les chambres d’accouplement dans le cambium, la partie vivante du tronc située sous l’écorce où la sève circule. Après que les femelles aient été fécondées, elles creusent des galeries de ponte. Mesurant jusqu’à 30 cm, chaque galerie peut accueillir près de 80 œufs d’où éclosent des larves qui se développent en creusant des galeries de nourrissage. Ces forages coupent progressivement l’afflux de la sève dans l’arbre colonisé et l’affaiblissent sévèrement. Lorsqu’elles atteignent l’âge adulte, les larves creusent un dernier trou pour s’envoler, laissant derrière elles un arbre déclinant et condamné.

Galeries creusées par les femelles pour pondre leurs oeufs © Manon Genin / ONF

Une espèce endémique encouragée par le dérèglement climatique

« S’il a toujours été présent dans nos forêts, plusieurs facteurs expliquent aujourd’hui sa prolifération, notamment le dérèglement climatique, note Benjamin Calmont. En effet, plus il fait chaud, plus le cycle de reproduction est court, ce qui entraîne une croissance exponentielle des populations de scolytes. »
D’abord apparu dans les forêts de l’est de la France (Jura, Vosges et Alpes du Nord), le coléoptère pullule à une vitesse fulgurante et gagne désormais l’ensemble de l’Hexagone. On estime que les scolytes ont détérioré 100 000 hectares (une superficie équivalente à celle de 140 000 terrains de football) de forêts de sapins et d’épicéas entre 2018 et 2023. Les épisodes de sécheresse et les vagues de chaleur fragilisent les arbres, les rendant alors plus vulnérables aux attaques de scolytes. S’il explique majoritairement l’essor des scolytes, le réchauffement n’en n’est cependant pas la seule cause.

Scolyte adulte © H. Bouyon

Une épidémie en lien avec la monoculture

Deuxième facteur épidémique, les monocultures qui favorisent la propagation rapide du coléoptère. Or, la monoplantation de résineux, notamment d’épicéas, est très répandue dans certaines régions. Lorsqu’un arbre tombe malade, ce sont alors des hectares entiers de bois qui finissent par être infestés. Les conséquences de ses attaques ont un impact important sur les écosystèmes : dépérissement des forêts, perte de biodiversité, risques naturels accrus (incendies, glissements de terrain). Bien entendu, cette épidémie impacte aussi sévèrement la santé économique de la filière bois-forêt.

Forêt de Darney (Vosges) © Fiona Farrel / ONF

Les entomologistes, sentinelles des forêts

« On ne pourra pas éradiquer l’espèce, affirme Benjamin Calmont. En revanche, on peut lutter contre sa prolifération à travers une approche globale ». Quand une forêt est infestée, la coupe des arbres s’impose. Mais les coupes préventives ne suffisent pas et la solution est sans doute à rechercher dans un travail de concert entre sylviculteurs et scientifiques. En combinant surveillance, traitements ciblés et pratiques forestières durables (comme l’entretien régulier des bois et la diversification des essences), il est possible de limiter les dégâts. « Plus un bois est varié, plus le scolyte mettra de temps à se développer. C’est une course contre la montre qui se joue ». Un objectif de taille pour rendre nos forêts résilientes pour les générations futures.

Benjamin Calmont