Le Wood Wide Web palpite-t-il sous nos pieds ?
En 1997, le « Wood Wide Web » fait la une de la célèbre revue scientifique Nature. L’expression est inédite et le sujet, fascinant ! Pour les auteurs de l’article, les arbres communiquent entre eux via des réseaux souterrains où s’entremêlent racines et champignons. Vingt-cinq ans après, le sujet du Web des bois suscite la controverse…
Pas de réseau sans mycorhizes !
« Sous le manteau de l’humus, arbres et champignons sont intimement reliés, explique Richard Gonzalez, rédacteur en chef de Champignon Magazine. Appelée mycélium, la partie souterraine du champignon est constituée d’un enchevêtrement de filaments très fins. Ce mycélium va coloniser les racines de l’arbre pour former des mycorhizes. Cette association est une symbiose, c’est-à-dire qu’elle bénéficie à l’arbre comme aux champignons. » Grâce à la photosynthèse, l’arbre procure au champignon des composés carbonés directement assimilables tandis que, de leur côté, les champignons mycorhiziens permettent aux arbres d’absorber plus de nutriments et d’eau contenus dans le sol. Un partenariat gagnant – gagnant !
Le Web des bois
C’est notamment à l’écologue canadienne Suzanne Simard que l’on doit le concept de Wood Wide Web. À travers ses recherches, elle a constaté que des arbres pouvaient échanger entre eux des éléments nutritifs via le réseau mycorhizien. Avec d’autres scientifiques, elle a cherché à prouver que ces flux concernaient aussi des échanges d’informations, par exemple pour donner l’alerte en cas d’attaque de ravageurs. Largement vulgarisés, notamment dans le livre de Richard Powers L’Arbre Monde, ces travaux ont répandu l’idée que ce réseau connecté souterrain était coopératif par nature.
Une vision trop naïve ?
En février 2023, une étude (publiée dans la revue Nature Ecology & Evolution) est venue bousculer le débat sur les fonctions des réseaux souterrains forestiers. Si ses auteurs confirment l’existence des mycorhizes et leur rôle dans les échanges mutuels d’eau et d’éléments nutritifs, ils remettent en cause la capacité des arbres à communiquer et à s’entraider. Selon eux, les méthodes de recherche employées par les défenseurs du Wood Wide Web manquent de robustesse, et les résultats obtenus ne prouvent pas le caractère coopératif du réseau.
Marc-André Selosse, professeur au Muséum national d’histoire naturelle et spécialiste des relations entre les champignons et les végétaux, s’intéresse de près au débat. Rappelant que « les plantes sont en compétition », il met en garde contre une vision naïve du Wood Wide Web, et souligne qu’il fonctionne sur la coopération autant que sur l’exploitation. À ses yeux, la controverse actuelle est porteuse d’avenir, car elle encourage la communauté scientifique à poursuivre ses recherches pour mieux comprendre la complexité des écosystèmes.
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