Créer un soft power autour de la question de la forêt
Interview d’Éric Fabre, secrétaire général de l’association Francis Hallé pour la forêt primaire
Créée en 2019 à l’initiative du botaniste Francis Hallé, spécialiste de l’écologie des forêts tropicales, cette association a pour objectif la préservation et la renaissance des forêts primaires ainsi que la sensibilisation du grand public à leur rôle essentiel. Le Fonds de dotation botanic a choisi d’être partenaire de l’association pour soutenir ses actions et agir avec elle pour mieux faire connaître la forêt.
Pour commencer, qu’est-ce qu’une forêt primaire ?
Il s’agit d’une forêt qui n’a été ni exploitée ni défrichée par l’homme, où la biodiversité est exceptionnelle, particulièrement en zone tropicale humide comme en Amazonie, en Indonésie ou dans le bassin du Congo. Chaque année, 15 millions d’hectares de ces forêts sont déboisés, ce qui représente la superficie de l’Angleterre ! En zone tempérée, on en trouve, par exemple, au Canada, aux États-Unis ou en Nouvelle-Zélande. En Europe, il n’en reste presque plus. La plus ancienne est la forêt polonaise de Białowieża, qui est notamment le refuge des derniers bisons d’Europe, mais elle est malheureusement menacée…
Quel est votre grand projet ?
Nous agissons pour laisser se reconstituer une forêt primaire en Europe de l’Ouest, entre les Vosges du Nord et l’Allemagne. L’objectif est de sanctuariser, pendant plusieurs siècles, un espace d’environ 70 000 hectares où l’homme n’interviendrait pas (pas de plantation, pas de récolte ni de chasse). Bien entendu, on pourrait s’y rendre pour le plaisir ou pour y mener des études.
Pourquoi est-il si important de faire renaître une forêt primaire ?
Les raisons sont multiples ! Pour lutter contre le réchauffement climatique, reconstituer un grand réservoir de biodiversité, garantir l’existence d’écosystèmes suffisamment vastes et variés pour protéger la vie humaine, assurer l’abondance et la qualité des ressources en eau, mais aussi étudier ces milieux intacts pour contribuer à approfondir la connaissance scientifique. Évidemment, on ne peut pas « créer » de forêt primaire, on peut seulement mettre en place les conditions qui favorisent sa renaissance.
Mais combien de temps faut-il ?
On évalue à 1 000 ans le temps qu’il faut à une forêt primaire pour s’établir sur un sol nu et à 800 ans à partir d’une forêt secondaire, c’est-à-dire exploitée par l’homme. Ça parait fou de se projeter aussi loin, mais la réconciliation de l’homme avec la nature doit aussi s’envisager dans le temps long. Francis Hallé aime dire à ce sujet : « C’est utopique, mais ceux qui n’ont pas d’utopie ne vont nulle part ! »
Sur quoi repose votre partenariat avec le Fonds de dotation botanic, et quelles actions envisagez-vous ensemble ?
Francis Hallé connaît bien botanic® dont il apprécie l’engagement, l’exigence et l’esprit pionnier. L’association se sent complètement en phase avec le projet du Fonds de dotation et nous souhaitons que notre partenariat soit fécond et durable. Grâce au soutien que le Fonds nous apporte, l’association Francis Hallé va pouvoir se développer et conforter son expertise. Notre ambition partagée est de créer un soft power autour de la question de la forêt et de sensibiliser le grand public aux enjeux, mais aussi à la beauté des espaces forestiers. Nous ne manquons pas d’idées originales et nous allons pouvoir coconstruire des projets de qualité en faveur de notre cause commune, la forêt !
Photographies par Franck Vogel, exposition Moi, la forêt.