Les arbres ont-ils le pouvoir de nous soigner ?

Popularisée par des recherches venues du Japon, la sylvothérapie abrite une multiplicité de pratiques, sous-tendues par l’idée que la nature est bonne pour notre santé. Chercheuse en psychologie environnementale au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive au CNRS à Montpellier, Alix Cosquer travaille sur ces interactions entre les enjeux de protection de la biodiversité et la santé humaine.

 

On rencontre déjà le terme de sylvothérapie en France au cours des années 1980. Un ingénieur des Eaux et Forêts, Georges Plaisance, publiait alors Forêt et santé : guide pratique de sylvothérapie, qui encourageait les bains de forêt pour « soigner » le corps et l’esprit. Les pratiques contemporaines de sylvothérapie proposent principalement des immersions en forêt, basées sur une attention consciente et des sollicitations sensorielles. « On voit, on sent, on écoute, on touche. S’y associent souvent des dimensions affectives et réflexives, autour des émotions et des questionnements sur notre place dans l’environnement suscités par l’expérience », pointe la chercheuse Alix Cosquer.

Diminution du stress

Ce sont des pratiques surtout préventives, qui visent d’abord à générer du bien-être. Dans de nombreux cas, les effets sont globalement positifs. La plupart des études ont mis en évidence une diminution du stress à travers certains paramètres physiologiques : fréquence cardiaque, taux de cortisol (hormone du stress), manifestations de l’activité cérébrale, marqueurs salivaires, etc. qui se traduisent par une sensation de détente et une réduction perçue du stress.

La sylvothérapie peut aussi se dérouler en accompagnement de pratiques curatives, portées par des professionnels de santé.

La qualité des forêts en jeu

L’efficacité des bains de forêt dépend notamment de la fréquence et de la durée d’exposition : une trentaine de minutes au minimum seraient nécessaires pour ressentir et observer des effets. La diversité des espaces forestiers joue également un rôle. Les spécialistes privilégient l’immersion au cœur d’essences variées plutôt que dans des plantations monospécifiques. Et, si la plupart des sorties ont lieu en forêt, la sylvothérapie peut également se pratiquer dans des parcs urbains et d’autres espaces boisés.

© wirestock

Reconnexion

La sylvothérapie s’inscrit aujourd’hui dans une approche de santé globale, qui inclut différents milieux. Hypothèse : « Une exposition précoce à une diversité de milieux naturels de bonne qualité favoriserait par exemple un bon microbiote et donc une meilleure protection immunitaire », relève Alix Cosquer.

Les travaux du biologiste américain Edward O. Wilson, fondés sur l’idée que « l’humain fonctionne mieux au contact des espaces naturels, le cerveau s’étant construit à leur contact », sont une piste pour comprendre les bénéfices observés, poursuit la chercheuse. Après des décennies d’artificialisation de notre cadre de vie, la sylvothérapie offre ainsi une fenêtre d’interactions avec la nature qui semble bénéfique.

© Alin Gavriliuc

Santé publique

Ces avancées poussent nos sociétés occidentales à intégrer les enjeux d’exposition à la nature dans la gestion de la santé publique.

La création de jardins thérapeutiques et la prise en compte de la présence de végétation à proximité des sites hospitaliers témoignent de cette prise de conscience. « Le remplacement du bitume des cours d’école par des espaces végétalisés ou l’intérêt croissant accordé à la place des arbres et des végétaux dans les espaces publics urbains illustre cette évolution. Il est maintenant établi que la question de la santé des personnes s’articule avec des enjeux environnementaux, climatiques et sociaux », souligne Alix Cosquer.

Pour que la nature nous soigne, il est ainsi nécessaire de lui porter le plus grand soin.

Alix Cosquer a publié La Sylvothérapie (PUF, Que sais-je, 2021)

© Oxana Lyashenko

Découvrez le sylvatorium de Queige en Savoie : cure de bien-être en forêt